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L’ancienne gare de déportation devenue Mémorial à Bobigny

Lieu de déportation vers les camps nazis durant la Seconde guerre mondiale, la gare de Bobigny est devenue officiellement un Mémorial depuis juillet / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
Lieu de déportation vers les camps nazis durant la Seconde Guerre mondiale, la gare de Bobigny est devenue officiellement un Mémorial depuis juillet / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

De l'été 1943 à l'été 1944, plusieurs milliers d'enfants, de femmes et d'hommes furent déportés vers les camps par les nazis depuis la gare de Bobigny. Un lieu devenu officiellement Mémorial depuis juillet dernier et qui se visite.

22 500. C’est le nombre d’enfants, de femmes et d’hommes qui furent déportés de l’été 1943 à l’été 1944 depuis la gare de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Soit un tiers des déportés juifs de France. Pourquoi est-elle choisie par l’occupant ? Discrète, la gare a également l’intérêt de se situer à proximité du camp d’internement de la cité de la Muette à Drancy (Seine-Saint-Denis), mais aussi du camp du fort de Romainville (Seine-Saint-Denis).

Pour autant, dans l’après-guerre, le travail de mémoire autour du génocide peine à s’imposer. En 1954, sur le site de la gare, une entreprise de ferraillage s’installe, jusqu’en 2005. C’est à cette date que le site est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. 2011 voit la signature d’un protocole entre la ville de Bobigny et la SNCF pour faire de la gare un mémorial. À cette occasion, Simone Veil, déportée par le convoi 71 du 13 avril 1944 parti de Bobigny, revient sur les lieux. Mais il faudra attendre 2022 pour qu’un mémorial voie le jour. Et le 18 juillet 2023 pour qu’il soit inauguré.

Des lettres et des témoignages de déportés

Espace ouvert, le Mémorial s’articule autour de trois espaces : l’esplanade du présent qui compte le pavillon d’accueil, le jardin de réflexion, jalonné de bancs en bois tout simples sur lesquels sont gravées les citations de déportés, et l’espace Mémoire, qui comprend le bâtiment voyageurs, restauré en 2008, ainsi que l’esplanade de la Mémoire. S’y trouvent 75 stèles en acier, comme autant de convois de déportations partis de France et, parmi elles, les 21 qui concernent la gare de Bobigny. Sur chacune d’entre elles est gravé le nombre de déportés, le lieu de destination ainsi que le pourcentage de survivants revenus des camps. Les vestiges de deux voies ferrées ainsi que d’un poste d’aiguillage racontent le départ des trains de déportation vers l’est. La halle des marchandises accueille les commémorations et, sur l’un de ses murs extérieurs, vous pourrez lire des lettres et des témoignages de déportés. Un jardin sauvage a enfin été élaboré pour créer une connexion entre le lieu de mémoire et l’espace urbain alentour.

Professeur d’histoire dans un collège professionnel voisin, Germain Filoche salue « un lieu de mémoire qui est un point d’accroche pour transmettre l’Histoire. Cette gare donne à voir le point de départ d’un voyage sans retour. Parmi mes élèves, certains passaient devant ce site depuis des années sans savoir ce que c’était ». Il a d’ailleurs œuvré avec ses classes à la réalisation d’affiches autour du Mémorial. « Un lieu comme celui-ci doit servir non seulement à se souvenir mais aussi à agiter la mémoire, estime-t-il. Il ne faut pas seulement se rappeler mais être concerné. »

« Il y a des négationnistes qui prétendent que la Shoah n’a pas existé. Ce lieu prouve le contraire »

En ce jour d’inauguration, Renée Zejgman-Fauguet, 80 ans, est venue rendre hommage à son père, Abraham Zejgman, déporté depuis la gare de Bobigny le 31 juillet 1944. « Nous habitions à Lyon, raconte-t-elle. Mon père était dans la Résistance. Il est d’abord allé à la prison de Montluc – là où sévissait Klaus Barbie – jusqu’au 24 juillet 1944 avant d’être transféré au camp de Drancy. Puis il est parti de Bobigny avec 1 360 autres personnes. Il est arrivé le 4 août à Auschwitz-Birkenau où il a été gazé. » Lieu de mémoire, le Mémorial est aussi pour Renée Zejgman-Fauguet un lieu de recueillement, « car nous n’avons pas de tombe, rien ! » Et d’ajouter, en contemplant le Mémorial : « Il y a des négationnistes qui prétendent que la Shoah n’a pas existé. Ce lieu prouve le contraire. »

Infos pratiques : Mémorial de l’ancienne gare de déportation de Bobigny, 151, avenue Henri-Barbusse, Bobigny (93). Entrée libre. Ouvert du mercredi au dimanche de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 17 h.  Accès : tramway T1 arrêt Escadrille Normandie-Niemen. Plus d’infos sur garedeportation.bobigny.fr

Lieu de déportation vers les camps nazis durant la Seconde guerre mondiale, la gare de Bobigny est devenue officiellement un Mémorial depuis juillet / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
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